Article 14 - L'ultime sevrage : guérir de l'addiction à l'effort (quand le corps dit "Stop")


Écrit par Thibaut Breuls  |  23 Novembre 2025  |  Solas Cearta - Articles

J'ai cru que le plus dur était fait.

Dans mon dernier article, je vous partageais ma fierté d'avoir su dire "non" : non à la sécurité illusoire d'un emploi prestigieux, non aux anciens rails de mon ego. Sur le papier, ma transformation était actée. J'étais devenu un "Homme Souverain", aligné, clair, prêt à conquérir mon nouveau monde.

"La nature ne se presse pas, et pourtant tout est accompli." – Lao Tseu

Mais la Vie ne se contente pas de déclarations d'intention. Elle demande une incarnation. Elle vérifie si la sagesse est descendue de la tête jusqu'aux cellules.

Et pour me tester, pour vérifier si j'étais vraiment prêt à lâcher prise, elle m'a envoyé une épreuve physique brutale, inattendue : une sciatique aiguë qui m'a cloué au lit, dans une douleur absolue, m'interdisant le moindre mouvement.

Pendant des jours, j'ai cru souffrir d'un simple problème de dos. J'ai cherché des causes mécaniques, j'ai pesté contre ce corps qui "lâchait" au pire moment.

Mais dans l'immobilité forcée, j'ai fini par entendre le véritable message. Ce que j'ai découvert au cœur de cette douleur a changé ma vision de la réussite : je ne souffrais pas d'une hernie, je souffrais d'un sevrage. Je découvrais ma plus vieille addiction.

(Si vous prenez le train en marche, je vous invite à lire l'article précédent sur les "4 tests" pour comprendre le contexte de ce virage).


1. Le paradoxe : connecté au ciel, coupé de la terre

Le diagnostic énergétique de cette crise a été stupéfiant de précision.

D'un côté, ma transformation spirituelle était indéniable : mon âme était intégrée, ma lignée masculine guérie, ma vision claire comme jamais. Je "planais" haut, connecté aux énergies célestes, inspiré, prêt à guider.

Mais de l'autre, ma connexion à la Terre s'était effondrée.

Pourquoi ? Parce que mon système nerveux, habitué depuis des décennies à fonctionner sur le mode "Guerrier", a paniqué face à la nouvelle donne.

J'avais choisi une nouvelle route basée sur l'intuition, la fluidité, l'accueil et le féminin sacré. Mais mon corps, lui, hurlait de peur.

Il me disait : "C'est dangereux ! Si tu ne luttes pas, tu vas mourir ! Si tu ne forces pas, rien n'arrivera ! La fluidité, c'est la mort !"

Mon esprit avait choisi la paix, mais mon corps était encore programmé pour la guerre.


2. Le diagnostic : l'addiction à l'effort

J'ai mis un nom précis sur ma maladie. Ce n'est pas juste une sciatique. C'est une "addiction à l'effort".

J'ai réalisé que mon "ancien logiciel" est programmé sur une croyance racine, héritée de vies de labeur et peut-être de mémoires de "mystique" où l'accès au divin se payait par une ascèse terrible :

"Sans effort surhumain, il n'y a pas de résultat. L'abondance se mérite par la souffrance. Si je ne transpire pas sang et eau, je n'ai pas de valeur."

En choisissant la voie du "Souverain" – celui qui attire par rayonnement et non par force, celui qui est un Phare et non un remorqueur – j'ai privé mon ego de sa drogue préférée : la lutte.

Face à ce vide d'effort, face à ce silence de l'action, mon corps a généré une tension extrême. Une crispation désespérée sur les vieilles peurs de manque et de sécurité. La douleur n'était rien d'autre que le cri de manque de mon ego-guerrier sevré de son combat.


3. La mécanique de la douleur : le goulot d'étranglement

En plongeant dans la sensation, j'ai compris la mécanique précise de ce qui se jouait dans ma chair.

L'énergie nouvelle (lumière, intuition, grâce) descendait bien en moi par le sommet de mon crâne. Mais elle ne pouvait pas sortir, car je n'étais plus "branché à la Terre".

Pourquoi cette coupure ? Parce que pour s'ancrer, il faut accepter de recevoir le soutien de la Terre. Il faut accepter d'être porté. Or, mon addiction à l'effort voulait tout "faire" toute seule. Je refusais le soutien, car l'accepter, c'était admettre que je n'avais pas le contrôle total.

Les vieilles mémoires de peur (liées à l'argent, à la survie matérielle), chassées par la lumière descendante, se sont précipitées vers la sortie (le bas du corps) pour être évacuées. Mais elles se sont retrouvées coincées dans le goulot d'étranglement de mon bassin et de mes jambes, verrouillés par ma résistance à lâcher prise.

Le nerf sciatique est devenu l'autoroute embouteillée de mes peurs ancestrales.


4. La leçon : le "non-agir" n'est pas "rien faire"

La guérison de cette crise ne demandait pas "plus" d'efforts (plus de médicaments, plus d'exercices violents, plus de lutte contre la douleur). Elle demandait l'inverse absolu, la chose la plus terrifiante pour un bâtisseur comme moi : le lâcher-prise radical.

J'ai dû apprendre, larmes aux yeux, que la véritable puissance n'est pas de ramer à contre-courant jusqu'à l'épuisement, mais de lever les rames et d'avoir la foi que le courant va me porter exactement là où je dois aller.

C'est le passage initiatique du "Faire" (le Yang déséquilibré qui force les portes) au "Laisser-Faire" (la confiance absolue du Yin).

C'est accepter l'idée vertigineuse que l'abondance, les rencontres, les opportunités et la réussite puissent arriver facilement, naturellement, sans que je les arrache à la vie à la force du poignet.


Pistes de réflexion

Prenez un instant pour scanner votre propre rapport à l'effort, avec l'honnêteté du scientifique :

  • Avez-vous, vous aussi, cette petite voix qui croit que si c'est "facile", cela a moins de valeur ?
  • Quand vous ne faites "rien" (pas de travail, pas de projet, pas de to-do list), ressentez-vous de la paix ou une anxiété sourde qui vous pousse à vous agiter ?
  • Observez votre corps quand vous travaillez : est-il détendu et ouvert, ou est-il contracté comme si vous étiez sur un champ de bataille ?

Passons à la pratique : l'ancrage passif (le non-agir)

Voici la pratique que j'utilise aujourd'hui pour rééduquer mon système nerveux et rassurer mon corps :

  1. L'arrêt conscient : Allongez-vous sur le sol (le contact total avec la surface est important) ou asseyez-vous confortablement.
  2. Le scan de la lutte : Observez où vous tenez votre corps. Vos épaules sont-elles hautes ? Vos fesses sont-elles serrées ? Votre mâchoire est-elle contractée ? (C'est la mémoire du combat).
  3. La permission de lourdeur : Au lieu d'essayer de vous "ancrer" (ce qui est souvent un effort actif de visualisation), faites l'inverse. Donnez simplement à votre corps la permission d'être lourd. Dites intérieurement à vos muscles : "Je ne vous retiens plus. Vous pouvez tout lâcher. La Terre est là."
  4. L'acceptation du soutien : Visualisez ou ressentez que la Terre monte doucement vers vous pour vous porter, comme une main géante et bienveillante. Vous n'avez rien à faire, rien à tenir. Juste à vous laisser soutenir.

Conclusion : devenir le témoin

Aujourd'hui, je suis encore dans ce passage. La douleur est devenue mon maître zen, impitoyable et juste. Elle me rappelle à l'ordre dès que je tente de "forcer", dès que je reprends les rames avec anxiété. Elle m'oblige à rester le témoin immobile de ma propre transformation.

J'apprends la leçon la plus difficile pour un bâtisseur : la confiance.

Je ne construis plus mon royaume avec des pierres et de la sueur. Je le laisse émerger, enraciné dans la Terre, porté par le Ciel, dans la certitude tranquille que tout est déjà là.

Infinie gratitude,

Solas Cearta

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